Par Redouane Benchikh
L’économiste canadien Michel Chossudovsky, qui est professeur à l’université d’Ottawa et directeur du Centre de recherche sur la mondialisation depuis sa création le 9 septembre 2001, attire l’attention sur les raisons «cachées» de l’agression sioniste contre Gaza, en publiant un article paru notamment sur le site du Centre de recherches tout en mettant l’accent sur un point sensible, à savoir le plan d’invasion de la bande de Gaza.
Selon Michel Chossudovsky ainsi que diverses sources, l’agression israélienne contre Gaza «est directement liée au contrôle et à la propriété des réserves stratégiques de gaz offshore». L’on parle purement d’une «une guerre de conquête» en évoquant la découverte de vastes réserves de gaz au large de la côte de Gaza, en 2000.
British Gas (BG Group) et son partenaire, basé à Athènes, la Consolidated Contractors International Company (CCC) détenus par les familles Libannaises Sabbagh et Koury, se sont vues accorder un droit d’exploitation pétrolière et gazière de 25 ans – signé en novembre 1999 – par l’Autorité palestinienne (PA).
L’on affirme, on se basant sur un article paru sur Haaretz, le 21 Octobre, 2007, que les droits pour ces gisements gaziers offshores vont, respectivement à British Gas (60%), Consolidated Contractors (CCC) (30%) et le Fonds d’investissement de l’Autorité palestinienne (10%).
Les accords de PA-BG-CCC comprennent le développement des gisements et la construction d’un gazoduc, selon le Middle East Economic Digest (le 5 janvier 2001). La licence de British Gas (BG) couvre l’ensemble de la zone marine au large de Gaza, qui est contiguë à plusieurs exploitations israéliennes de gaz offshore, comme démontré dans la carte proposée par la rédaction. Il convient de noter que 60 pour cent des réserves de gaz le long de la côte de Gaza et Israël appartiennent à la Palestine.
Le groupe BG a foré deux puits en 2000: Gaza Marine-1 et la bande de Gaza Marine-2. Les réserves sont estimées par British Gas à 1,4 billions de pieds cubes, évaluées à environ 4 milliards de dollars. Ce sont les chiffres rendus publics par British Gas. Les réserves de gaz de la Palestine pourraient être beaucoup plus importantes.
Qui détient les gisements gaziers
La question de la souveraineté sur les gisements de gaz de Gaza est cruciale, même si du point de vue juridique, les réserves de gaz appartiennent à la Palestine. La mort de Yasser Arafat, l’élection du gouvernement Hamas et la ruine de l’Autorité palestinienne ont permis à Israël d’établir de facto un contrôle sur, les réserves de gaz offshore de Gaza. British Gas (BG Group) a traité avec le gouvernement de Tel-Aviv. De son côté, le gouvernement du Hamas a été contourné pour ce qui concerne l’exploration et les droits de développement des gisements de gaz.
L’élection du Premier ministre Ariel Sharon en 2001 fut un tournant majeur. La souveraineté de la Palestine sur les gisements de gaz en mer a été contestée devant la Cour suprême israélienne. Sharon a déclaré sans équivoque que «Israël n’achèterait jamais du gaz à la Palestine», laissant entendre que les réserves de gaz offshore de la bande de Gaza appartenaient à Israël.
En 2003, Ariel Sharon, a opposé son veto à un premier accord, qui permettait à British Gas de fournir à Israël du gaz naturel provenant de puits offshore de la bande de Gaza. (The Independent, 19 août 2003)
La victoire électorale du Hamas en 2006 a conduit à l’effondrement de l’Autorité palestinienne dirigée par Mahmoud Abbas, qui resta confinée en Cisjordanie. En 2006, British Gas a été proche de signer un accord pour acheminer du gaz en Egypte (Times, Mai 23, 2007). Le Premier ministre britannique Tony Blair est intervenu pour le compte d’Israël afin de faciliter l’accord avec l’Égypte.
L’année suivante, en Mai 2007, le Cabinet israélien a approuvé une proposition du Premier ministre Ehud Olmert « d’acheter du gaz à l’Autorité palestinienne. » Le contrat proposé est de 4 milliards de dollars, avec des profits de l’ordre de 2 milliards de dollars, dont un milliard pour les Palestiniens.
Toutefois Tel-Aviv n’avait pas l’intention de partager les revenus avec la Palestine. Une équipe de négociateurs israéliens a été mis en place par le Cabinet israélien pour discuter d’un accord avec British Gas, en contournant le gouvernement du Hamas et l’Autorité palestinienne: « Les autorités de défense israéliennes veulent que les Palestiniens soient payés en biens et services et insistent sur le fait qu’aucun argent ne doit parvenir au gouvernement contrôlé par le Hamas. » (Ibid)
L’objectif était essentiellement d’annuler le contrat signé en 1999 entre le BG Group et l’Autorité palestinienne conduite par Yasser Arafat. Dans le cadre du projet 2007 d’accord avec BG, le gaz palestinien des puits offshore de Gaza doit être acheminé par un gazoduc sous-marin au port israélien d’Ashkelon, transférant ainsi le contrôle de la vente du gaz naturel à Israël.
L’accord a achoppé et les négociations ont été suspendues: « Le chef du Mossad, Meir Dagan, s’est opposé à l’opération pour des raisons de sécurité, et pour ne pas financer la terreur» (Membre de la Knesset Gilad Erdan, Discours à la Knesset sur «l’intention du vice-Premier ministre Ehud Olmert d’acheter du gaz aux Palestiniens quand paiement peut servir le Hamas», 1er Mars 2006, cité par Le lieutenant-général (à la retraite) Moshe Yaalon.
Est-ce que la perspective d’achat à British Gas du gaz des eaux côtières de Gaza, menace la sécurité nationale d’Israël? Jerusalem Center for Public Affairs, Octobre 2007)
L’intention d’Israël était d’empêcher que des royalties soient versées aux Palestiniens. En Décembre 2007, Le groupe BG a interrompu les négociations avec Israël et en Janvier 2008, a fermé leur bureau en Israël. (BG site web).
Plan d’invasion sur la planche à dessin
Le plan d’invasion de la bande de Gaza en vertu de l’«Opération Cast Lead» a été mis en branle en Juin 2008, selon des sources militaires israéliennes: « Des sources militaires ont déclaré que le ministre de la Défense Ehud Barak a chargé les Forces de défense israéliennes de se préparer à une opération de plus de six mois (en Juin ou avant Juin), bien qu’Israël ait commencé à négocier un accord de cessez-le-feu avec le Hamas. » (Barak Ravid, Opération « Cast Lead »: Israeli Air Force grève suivi des mois de planification, Haaretz, 27 Décembre, 2008)
Ce même mois, les autorités israéliennes ont pris contact avec British Gas, en vue de la reprise de négociations cruciales relatives à l’achat de gaz naturel de la bande de Gaza: «Le directeur général du ministère des Finances, Yarom Ariav, et le directeur général du ministère des infrastructures nationales, Hezi Kugler, se sont entendus pour informer BG du souhait d’Israël de rouvrir les négociations.
Les mêmes sources ont ajouté que BG n’a pas encore officiellement répondu à la demande d’Israël, mais que les dirigeants de l’entreprise viendraient d’ici quelques semaines en Israël pour s’entretenir avec des fonctionnaires du gouvernement ». (Globes online-Israël Business Arena, 23 Juin, 2008)
La décision d’accélérer les négociations avec British Gas (BG Group) a coïncidé avec le processus de planification militaire. Il semble qu’Israël était inquiet de parvenir à un accord avec BG avant l’invasion, dont la planification était déjà très avancée.
Qui plus est, ces négociations avec British Gas, ont été menées par le gouvernement d’Ehud Olmert en pleine connaissance d’une prochaine invasion militaire de Gaza et d’un projet de nouvelle politique territoriale de la bande de Gaza.
En fait, les négociations entre British Gas et les responsables israéliens ont débuté en Octobre 2008, de 2 à 3 mois avant le début des bombardements du 27 décembre. En Novembre 2008, le ministère israélien des Finances et le ministère chargé des Infrastructures nationales ont donné des instructions à Israël Electric Corporation (IEC) pour entrer en négociations avec British Gas, afin d’acheter du gaz naturel de la concession offshore de BG dans la bande de Gaza. (Globes, 13 Novembre 2008)
« Le directeur général du ministère des Finances, Yarom Ariav, et le directeur général du ministère des infrastructures nationales, Hezi Kugler ont récemment écrit au chef de la direction de la IEC, Amos Lasker, pour l’informer de la décision gouvernementale de permettre aux négociations d’aller de l’avant, selon la proposition-cadre approuvé plus tôt. La direction de la IEC, dirigée par le président Moti Friedman, a approuvé il ya quelques semaines, les principes de cette proposition-cadre. Les entretiens avec BG Group commenceront lorsque que le bureau aura approuve l’exemption d’appel d’offres. » (Globes Nov. 13, 2008)
Gaza et la géopolitique de l’énergie
L’un des but de l’occupation militaire de la bande de Gaza est le transfert de la souveraineté des champs de gaz à Israël. Que pouvons-nous nous attendre à la suite de l’invasion? Quelle est l’intention d’Israël pour ce qui est des réserves de gaz naturel de la Palestine? Un nouvel arrangement territorial, avec la présence d’Israël et/ou de «maintien de la paix» des troupes? La militarisation de l’ensemble du littoral de Gaza, qui est stratégique pour Israël? La confiscation pure et simple des gisements de gaz Palestiniens et la déclaration unilatérale de souveraineté israélienne sur les zones maritimes de la bande de Gaza?
Si cela devait se produire, les gisements de gaz de Gaza seraient intégrées dans les installations offshore d’Israël, qui sont contigus à ceux de la bande de Gaza (voir la carte proposée).
Ces différentes installations offshore sont également liées au couloir énergétique Israélien qui s’étend du port d’Eilat, terminal du pipeline du pétrolier, jusqu’à la mer Rouge au port pétrolier d’Ashkelon, et au nord jusqu’à Haïfa, et pourrait éventuellement être lié au projet de pipeline israélo-turc avec le port turc de Ceyhan.
Ceyhan est le terminal de l’oléoduc de la Caspienne: Bakou, Tbilissi Ceyhan. « Ce qui est envisagé est de relier l’oléoduc BTC au Trans-Israël Eilat-Ashkelon pipeline, également connu sous le nom d’Israël Tipline ». (Voir Michel Chossudovsky, La guerre sur le Liban et la bataille pour le pétrole, Global Research, Juillet 23, 2006)
L’économiste n’a pas manqué dans son investigation d’écarter ou d’évoquer la position et les motivations du Hamas ainsi que son rôle dans cette énième guerre de Gaz, parallèle en termes de temps à celle «guerre froide de gaz» en Europe, après celle de la Géorgie. Et seule la fin des massacres permettra de connaitre – ou du moins de faire des liens- les réelles raisons d’Israël dans cette guerre.
*Paru sur algerie-focus.com et lefinancier-dz.com