Docteur Abderahmane MEBTOUL, Expert International
« Il ne peut y avoir de développement durable sans démocratie »
Amartya SEN – économiste indien prix Nobel d’économie
Il est admis par la majorité des observateurs nationaux et internationaux que les enjeux fondamentaux de l’élection présidentielle en Algérie du 09 avril 2009 est le taux de participation , taux déjà très faible aux élections locales passées contrairement à l’élection présidentielle du 08 avril 2004 dont les résultats officiels ont donné le candidat Abdelaziz Bouteflika largement vainqueur avec 8.489.487 voix, soit un taux de 83,49% des suffrages exprimés, suivi de Ali Benflis avec 806.458 voix (7,93%). M. Abdellah Djaballah venant en troisième position avec 492.015 voix (4,84%), suivi de Saïd Sadi avec 196.434 (1,93%), puis Louisa Hanoune avec 118.367 voix (1,16%) et enfin Ali Fawzi Rebaïne avec 65.073 voix (0,64%). Le taux de participation a connu une augmentation (59,26%) par rapport aux précédentes consultations (47% lors des législatives de 2002 et 50,11% lors des locales).
1.-Rappel des résultats de la participation des élections locales de 2007 : un taux mitigé
Le taux de participation des grandes villes lors de l’élection présidentielle précédente a été la suivante : Blida- 54,71% ; Tlemcen 74,47% ; Tizi Ouzou 18,38% ; Alger 43,59% ;Annaba 67,32% ; Constantine 52,08%, ; Oran 64,01% ; Bejaia 16,10% ; Batna 49,90%1, des wilayates comme le Sud Bechar et Ouargla 72,08% et 54,72% . Ces taux contrastent avec le taux de participation des élections locales du 29 novembre 2007 qui ont vu surtout les grandes villes connaître un taux d’abstention inégalée : Blida 29%- Boumerdès 37% ; Alger 23% Constantine 29%, Oran 37% et une wilaya du Sud réputée voter Ouargla seulement 46% y compris les bulletins nuls. Concernant les élections locales du 29 novembre 2007 le taux de participation officiel a été pour les APC de 44% et de 43% pour les APW , assistant à une petite amélioration par rapport aux élections législatives passées. Les bulletins nuls représentent respectivement environ 4% et 5% du nombre d’inscrits, les voix partisanes étant donc 41% pour les APC et 38% pour les APW soit une moyenne globale de participation de 40% du nombre total des inscrits, plus de 60% de la population inscrite ne faisant pas confiance aux partis traduisant un divorce Etat- citoyens. Si l’on soustrait le FFS pur avoir une comparaison correcte, du fait qu’il s’est abstenu lors des dernières élections ,ayant représenté environ 4% des voix par rapport aux inscrits, nous avons 36% de taux de participation partisane hors FFS, un taux de participation équivalent aux législatives. En nous en tenant aux APC, globalement le FLN représente approximativement 12% avec seulement 2.094.000 voix, le RND 9,8% avec 1.602.000 voix, HMS 4,3% avec 842.000 voix soit un total pour les partis de la coalition de 26% soit le un quart des inscrits et beaucoup plus faible si l’on totalise par rapport à la population totale active en age de voter qui dépasse fin 2007 20 millions alors que le nombre d’inscrit déclaré a été de 18.446.000.. Quant aux partis dits d’opposition RCD-FNA-PT-FFS, ils représentent un total de 10,50% avec une nette percée du FNA, constitué souvent de militant déçus du FLN et du RND, par rapport aux inscrits (avec ce paradoxe de la loi électorale ayant obtenu 832.000 voix, ayant eu 11,29% des sièges contre 10,69% pour le MSP qui a eu 842.000 voix). Et pour les élections législatives du 17 mai 2007, le taux de participation selon l’officiel a été de 35% soit un taux d’abstention de près de 65%, avec les plus grandes villes d’Algérie comme Tizi – Ouzou 16%, Bejaia 17%, Alger 18%, %, Boumerdes 24%, Blida 26%, Jijel 27%, Oran 31%.Les bulletins nuls représentent plus de 960.000 soit 5% des votants inscrits et près de 13% des votants exprimés donnant pur les législatives ainsi une participation partisane de 22% le 1/5ème des inscrits . Pour les membres de la coalition gouvernementale, par rapport au nombre d’inscrits , le FLN représente 7,5%, le RND 3,1% et le MSP 2,1% soit un total de 12, 7% . Pour les autres partis , le Parti des travailleurs (PT) qui a par rapport au nombre d’inscrits 1,5% et le RCD 1% avec une concentration Bejaia- Tizi Ouzou et Alger . Quelles leçons tirer de cette démobilisation populaire ? La leçon première fondamentale est la prise en compte tant des mutations mondiales qu’internes à la société algérienne avec le poids de la jeunesse qui parabolé a une autre notion des valeurs de la société. Cela se constate à travers la baisse progressive du poids des tribus , de certaines confréries religieuses et de certaines organisations syndicales,( ces dernières mobilisant uniquement pour des revendications sociales et non pour des actions politiques), du fait de discours en déphasage par rapport aux nouvelles réalités mondiales et locales. Car toutes ces organisations avaient fait un appel massif en faveur du vote mais n’ont pas été suivies. D’où l’importance de revoir le fonctionnement du système partisan et de la société civile.
2. Revoir le fonctionnement du système partisan et de la société civile
La Constitution de 1989 et la loi du 5 juillet de la même année ayant consacré et codifié le droit des citoyens à créer des partis politique, appelés pudiquement ‘‘associations à caractère politique’’, un nombre considérable de formations politiques ont vu le jour dans des conditions souvent contestables. Ainsi a-on vu naître des partis n’ayant ni véritable programme, ni perspectives sérieuses à offrir et constituant souvent une source préoccupante de perturbation du champ politique national et de discrédit du pluralisme partisan, se manifestant ponctuellement principalement à l’occasion de rendez-vous électoraux du fait des subventions de l’Etat (instrumentalisation de l’administration). En raison des crises internes qui les secouent périodiquement, du discrédit qui frappent la majorité d’entre eux, de la défiance nourrie à leur égard et à l’endroit du militantisme partisan, les formations politiques actuelles sont dans l’incapacité aujourd’hui de faire un travail de mobilisation et d’encadrement efficient, de contribuer significativement à la socialisation politique. D’ailleurs le fait de s’attribuer un salaire pour les députés et sénateurs de plus de 300.000 dinars par mois soit trente fois le SMIG ( plus de quatre fois le salaire d’un professeur d’université en fin de carrière ) accroît la non crédibilité des élus auprès de la population, jouant l’effet de repoussoir. Ce sont là des raisons suffisamment importantes pour envisager sérieusement de réorganiser le système partisan en vue de lui donner les moyens dont il a besoin pour remplir la fonction qui est la sienne dans tout système politique démocratique. Aussi convient-il de se poser la question : quelle restructuration ? Plusieurs axes peuvent être retenus pour atteindre cet objectif. Premièrement la réhabilitation des partis doit être un acte de reconnaissance de leur rôle institutionnel. Le discrédit qui a frappé les formations politiques nationale doit laisser la place à une appréciation plus juste et pragmatique du statut et du rôle qui doivent être les leurs dans une société qui ambitionne de rejoindre le rang des sociétés démocratiques et modernes. Deuxièmement, le marché politique doit être conçu comme axe central de la restructuration. En tout état de cause, il nous semble plus équitable, et plus juste politiquement, de raisonner en termes de marché électoral et de laisser, dès lors, les règles du jeu politique et le nombre d’acteurs qui s’y adonnent, se fixer de manière concurrentielle. Le rôle des pouvoirs publics consistera alors à mettre en place les garde-fous indispensables et à veiller au respect strict des lois et des règles qui régissent le fonctionnement de ce marché. Mais lié à cet aspect, un autre segment est à dynamiser, c’est celui de la société civile.
La confusion qui prévaut actuellement dans le mouvement associatif national rend malaisée l’élaboration d’une stratégie visant à sa prise en charge et à sa mobilisation. Sa diversité, les courants politico- idéologiques qui le traverse et sa relation complexe à la société ajoutent à cette confusion, qui est en grande partie liée au contexte politique actuel. En raison de la jeunesse très grande de la société civile, des conditions historiques qui ont présidé à sa naissance et des évènements tragiques qu’a connus l’Algérie et auxquels elle a été directement ou indirectement associée, la question qui touche à sa mobilisation doit être traitée avec une attention et une vigilance soutenues. La société civile officielle médiatisée, appendices des grands partis officiels, vivant de subventions de l’Etat, sollicitée à maintes reprises, et à l’occasion d’échéances parfois cruciales, et souvent instrumentalisée, manifestera souvent sa présence d’une manière formelle et ostentatoire, et sera impuissante à agir par conséquent sur le cours des choses et à formuler clairement les préoccupations et les aspirations de la société réelle. Aujourd’hui, l’état de désorganisation et de léthargie dans lequel se trouve la société civile, la majorité silencieuse, nécessite une action vigoureuse de réorganisation et de redynamisation qui ne pourra être que salutaire pour elle. L’Etat, tout en garantissant leur indépendance, doit encourager la création d’associations afin de faire de ce cadre un instrument efficace d’encadrement de forces vives qui agissent dans la société de manière dispersée dont la promotion de la femme et la jeunesse, signe de la vitalité de toute société. Mais cette politique n’a de chance de réussir que si le mouvement associatif est assaini et que si les associations qui le composent ne soit pas au service d’ambitions personnelles inavouables et parfois douteuses.
En conclusion, le taux de participation renvoie à plusieurs fondamentaux dont le soubassement est une meilleure gouvernance tant politique, économique et à une nouvelle régulation sociale. En fait, à la refondation de l’Etat qui doit prendre en considération le couple contradictoire, préservation de la rente /approfondissement des réformes à travers la stratégie des différents acteurs tant internes qu’externes et donc à une visibilité et cohérence dans la démarche de la politique économique et sociale qui fait cruellement défaut à l’Algérien étant dans cette interminable transition depuis 1986, ni dans une économie administrée , ni dans une véritable économie de marché . Si nous avons les mêmes tendances lourdes qu’aux dernières élections locales, le Président Bouteflika qui sera certainement réélu, il ne faut pas être démagogue, (en tenant compte de la non participation du FFS et du RCD), s’il devait s’en tenir au système partisan et de toutes ses satellites, qui lui ont affichés leur soutien, le serait à moins de 25%. Quant au taux de participation, y compris les autres candidats ne devrait pas dépasser 30/35%. Sera t –il dépasser ces taux en s’impliquant personnellement en redonnant espoir à la population et en intégrant un discours de vérité face à la très grave crise mondiale qui selon le rapport de la banque mondiale du 8 mars 2009 durera plusieurs années et qui touchera forcément l’Algérie ? Attendons le 09 avril 2009.
Abderrahmane MEBTOUL
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