Si vous vous posez des questions sur la Guerre Civile en Syrie ou même sur la Syrie en général, nous vous proposons de répondre le plus simplement possible à certaines d’entre elles. (Texte traduit de l’anglais – Washington Post).
Les Etats-Unis et ses alliés se préparent à une éventuelle attaque militaire contre la Syrie, la première de la sorte depuis le début de la guerre civile en Syrie il y a deux ans. L’Occident suspecte le Président Bashar al-Assad d’utiliser des armes chimiques contre des civils.
Si vous vous posez des questions sur cette guerre ou même sur la Syrie en général, nous vous proposons de répondre le plus simplement possible à certaines d’entre elles.
Veuillez noter d’abord que l’histoire de la Syrie est très longue et compliquée, et nous avons essayé de la résumer pour que tout le monde puisse la comprendre, sacrifiant parfois la précision.
1- Qu’est ce que la Syrie?
La Syrie est un pays du Moyen Orient, situé sur la côte Est de la mer Méditerranée, comptant une population de 22 millions d’habitants. Il existe en Syrie une large diversité ethnique et religieuse même si la majorité de la population est arabe et musulmane sunnite. Récemment la Syrie a été secouée par une violente guerre civile opposant les forces du gouvernement et les rebelles. Le bilan des victimes s’élève aujourd’hui à plus de 100.000 morts et 2 millions de réfugiés, dont la moitié sont des enfants.
2- Pourquoi les Syriens s’entretuent ?
Le conflit a commencé en avril 2011, avec des manifestations pacifistes, inspirées des révoltes en Égypte et en Tunisie, et visant à défier la dictature en place dans le pays. La réponse du gouvernement a été rapide, violente et brutale. Les forces de sécurité ont d’abord procédé discrètement à l’élimination des opposants. S’en sont suivi des kidnappings, viols, tortures et meurtres de ces derniers et de leurs familles, sans épargner les enfants. Les corps mutilés étaient ensuite abandonnés au bord des routes. Les troupes loyalistes ont ensuite commencé à tirer sur les manifestants, et à leur tour les civils ont répondu par des tirs.
De là, la violence s’est accrue jusqu’à provoquer une guerre civile. Des civils armés se sont organisés pour former des groupes de rebelles. L’armée a été déployée à travers le pays, visant des quartiers entiers par des obus et des bombes pour essayer de terroriser le peuple et ainsi de rétablir l’ordre.
Apparemment, l’armée a aussi utilisé des armes chimiques, et nous évaluerons la gravité de cet acte plus tard dans l’article. Des volontaires de plusieurs pays se sont joints aux rebelles, car ils souhaitent voir la Syrie libre et démocrate, ou plus souvent car ils sont des Jihadistes qui détestent le gouvernement laïc syrien. Les rebelles ont finalement repris du terrain mais il semblerait que Al-Assad soit revenu en force récemment. La fin de ce conflit parait de plus en plus lointaine.
3- C’est horrible. Il y a eu des manifestations dans plusieurs pays. Pourquoi est-ce que ça a aussi mal tourné en Syrie ?
C’est compliqué et il n’y a pas une réponse définie. Pour faire court, on peut dire qu’il y a en gros deux théories. Les deux se basent sur le principe que la Syrie était une bombe à retardement attendant d’exploser depuis des années, et que les manifestations de 2011 et leur violente répression ont mis le feu aux poudres.
Avant de se pencher sur les deux différentes théories, il est important pour vous de comprendre que le gouvernement syrien a réagi de manière excessive quand les manifestations ont commencé en 2011, et c’est ce qui a mené la Syrie vers une descente aux enfers.
On appellera la première théorie, qui explique pourquoi cela a aussi mal tourné en Syrie, « le rééquilibrage sectaire » ou « le cas de Fareed Zakaria » (ndlr : présentateur de CNN). Les frontières de la Syrie ont été définies par les forces coloniales européennes, créant ainsi un amalgame de divers groupes ethniques et religieux dans un même territoire. Ces puissances avaient aussi tendance à mettre en avant une seule minorité dont elles se servaient pour gouverner, accentuant ainsi les tensions sectaires déjà existantes.
Zakaria avance que ce qui se passe en Syrie est l’inévitable conséquence d’un recalibrage des différentes forces ethniques et religieuses dans le pays. Il fait une comparaison avec l’Irak post-Saddam Hussein, où la majorité, longtemps oppressée, a repris le pouvoir en punissant sévèrement l’ancienne minorité régnante.
La majorité des Syriens sont des arabes sunnites, alors que le pays est gouverné par les membres de la secte minoritaire des Alaouites (ce sont ethniquement des arabes mais suivent une plus petite branche de l’islam). Les Alaouites gouvernent à travers une dictature répressive et accordent des privilèges spéciaux aux membres de leur secte. De ce fait, ces derniers se sont attirés la haine des Sunnites et d’autres groupes religieux dans le pays, et craignent donc d’être victimes d’un lavage ethnique si Al-Assad perd la guerre.
De plus, plusieurs communautés syriennes sont déjà organisées en différentes enclaves ethniques et religieuses, ce qui signifie que les milices communautaires sont de surcroît sectaires. Cela expliquerait le fait que les massacres en Syrie ont pris la tournure d’un conflit ethnique et religieux. Cela suggère aussi le fait qu’il n’y a pas grand chose à faire pour arrêter ce conflit puisqu’il y est surtout question de rééquilibrer les forces régnantes dans le pays.
La deuxième théorie est un peu plus simple : c’est que le régime d’Al-Assad est en déclin et qu’il essaye de s’accrocher coûte que coûte pour ralentir sa chute. La plupart des pays sont dotés plus ou moins d’un régime politique auto-suffisant et viable, alors que tout ce temps le gouvernement syrien a été maintenu en place grâce à une dictature cruelle et répressive. Seulement voilà : peut-être que la Syrie n’était pas si stable pour commencer ; peut-être que ses fondations ont été bâties sur des sables mouvants.
Le père de Bashar Al-Assad s’est hissé au pouvoir au moyen d’un coup d’état en 1970. Son gouvernement était le produit de la Guerre Froide et d’une crise identitaire qui touchait à ce moment là tout le monde Arabe. En plus de cela, il avait choisi l’Union Soviétique comme mentor, et a suivi une idéologie nationaliste anti-occidentale qui a maintenant pratiquement disparu. La Guerre Froide finie, la plupart des pays de la région ont signé des accords de paix avec Israël et les États Unies. L’identité géopolitique ainsi que l’idéologie d’Al-Assad sont donc maintenant largement dépassées.
Cependant, Bashar al-Assad, qui a remplacé son père à sa mort en 2000, n’a jamais fait d’effort pour mettre à jour ces paramètres. Lorsque la situation a commencé à se gâter il y a 2 ans, Bashar al-Assad n’avait donc plus vraiment de quoi maintenir son pouvoir en place, excepté l’usage de la violence.
(Texte traduit de l’anglais – Washington Post – La suite de l’article le mercredi 4 septembre)