Les travailleurs expatriés marocains, connus sous le nom de Marocains résidant à l’étranger (MRE) font partie intégrante de l’économie du royaume. En effet, chaque année, ceux-ci envoient vers leur pays des milliards de dollars, en investissant dans l’immobilier et sur le marché boursier de Casablanca, ainsi qu’en soutenant financièrement leur famille et leurs amis. Toutefois, cette année, pour la première fois en dix ans, le flux de trésorerie devrait chuter. Confronté au ralentissement économique des pays de l’Europe et du Golfe, le gouvernement marocain revoit à la baisse ses attentes en matière d’envois de fonds et réduit les frais liés aux transferts d’argent.
Les envois de fonds sont devenus l’une des plus importantes sources de devises étrangères au Maroc et contribuent à 9.6% du PIB. Après avoir atteint des sommets en 2007 (55 milliards de dinars ou 4.9 milliards d’euros), les rentrées ont chuté. Selon les statistiques du ministère de l’Economie et des Finances, soutenu par une forte croissance de 32.5% enregistrée au cours des six premiers mois de l’année, le ralentissement ne fut que léger en 2008 -de l’ordre de 2.4% et les envois de fonds atteignaient les 54 milliards de dinars (4.9 milliards d’euros). Cependant, les chiffres préliminaires prévus pour 2009 brossent un tableau plus sombre. En effet, au cours du premier trimestre, les envois de fonds ont chuté de 15.5% et le ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, lors d’un discours devant la Chambre des conseillers (la chambre haute du parlement marocain), a souligné que compte tenu du climat économique actuel, il s’attendait à ce que les rentrées de fonds atteignent, cette année, seulement la barre des 45 millions de dinars (4 milliards d’euros), soit une baisse de près de 15% par rapport à 2008.
Pour M. Mezouar, cette chute est liée au resserrement de la zone euro -destination de la plupart des travailleurs marocains. Etant donné que la France et l’Espagne sont toutes deux entrées en récession et que des secteurs comme la construction, qui emploient de nombreux MRE, s’épuisent, la demande en travailleurs étrangers baisse et moins d’argent est à gagner. Toutefois, 45 millions de dinars (4 milliards d’euros) constituent une somme conséquente et le gouvernement prend des mesures afin de faciliter les transferts de fonds. Par exemple, en août dernier, avant même que le ralentissement économique ne se confirme, le Maroc a signé un accord visant à effectuer des transferts monétaires électroniques grâce à une technologie élaborée par l’Union postale universelle, l’agence spécialisée des Nations Unies en charge des services postaux.
L’Egypte, la Jordanie, le Qatar, la Syrie, la Tunisie, l’UEA et le Yémen utilisent cette technologie qui tend à faciliter l’accès aux services de transferts officiels pour les populations rurales. En mai, Mohammed Ameur, le ministre délégué chargé de la communauté marocaine résidant à l’étranger, a annoncé que les banques marocaines proposeraient gratuitement des services de transferts d’argent aux MRE jusqu’à la fin de l’année 2009. De plus, les banques appliqueront le taux de change le plus bas et rééchelonneront les crédits des personnes affectées par la crise. Ces mesures sont profitables à toutes les parties: les MRE et le gouvernement tirent de plus grands profits des fonds envoyés et les banques voient des expatriés ouvrir des comptes au sein de leurs réseaux qui prennent rapidement de l’ampleur aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du royaume. La souplesse dont font preuve le gouvernement et les banques est témoin de la dépendance du pays aux envois de fonds, aux niveaux micro et macro. Les envois de fonds soutiennent les familles, en complémentant les salaires perçus localement et en augmentant le pouvoir d’achat. Les investisseurs expatriés font également figure de moteur clé à une plus large échelle: ce sont eux qui effectuent les plus importants investissements étrangers sur le marché boursier de Casablanca. Bien que les investissements étrangers n’aient que légèrement augmenté en 2008 (ils représentaient respectivement 25.7% et 27.5% de l’ensemble des investissements étrangers en 2007 et en 2008), la participation des MRE s’est, quant à elle, fortement accrue. Selon les statistiques du Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM), les Marocains expatriés représentaient 71.5% des investisseurs, contre 58.1% en 2007. Les investisseurs français, qui se situent au second rang, représentaient 14.5% des investisseurs.
La participation des expatriés demeure élevée malgré le ralentissement économique et elle rend compte des liens solides qui unissent la communauté et son pays. Les MRE envoient non seulement des fonds vers leur pays, mais lorsqu’ils rentrent au royaume, ils y dépensent directement leur argent. En effet, ils sont les plus importants «visiteurs» annuels -3.7 millions sur un total de 7.9 millions de visiteurs accueillis en 2008. Les touristes français, qui se situent au deuxième rang, ne comptent que pour la moitié, soit 1.7 million. Etant donné que le tourisme contribue à 6% du PIB et qu’il est le deuxième secteur qui créé le plus d’emplois dans le royaume, le gouvernement travaille sans relâche afin d’inciter les expatriés à rentrer au pays. Bien que nombreux Marocains expatriés soient revenus au royaume en 2008 -300.000 «visiteurs» supplémentaires ont été enregistrés, les indicateurs pour 2009 ne semblent pas aussi encourageants.
En effet, aucune statistique relative exclusivement aux MRE n’est disponible, mais le nombre de visiteurs est passé de 13% en 2007 à 6% en 2008. Les touristes continuent de se rendre au Maroc, mais leurs séjours sont plus courts et leurs dépenses réduites. En outre, le gouvernement espère que certains MRE reviennent s’installer dans le royaume, ou au moins y achètent des maisons secondaires. Le ministère des Finances et le ministère en charge de la communauté marocaine résidant à l’étranger ont élaboré un plan afin d’octroyer des crédits immobiliers adossés à la garantie aux personnes achetant des maisons. En élargissant le programme Damane Sakane, un outil d’aide à l’acquisition immobilière destiné à la classe moyenne, aux Marocains expatriés, le gouvernement octroiera à ces derniers des crédits compris entre 300.000 dinars (27.000 euros) et 800.000 dinars (71.000 euros).
Cette promesse de crédits tentera certainement quelques MRE qui peinent à gagner de l’argent en Europe. Toutefois, il est peu probable que l’émigration cesse d’aussitôt. Tant que le Maroc ne sera en mesure d’offrir des infrastructures, un environnement novateur et des salaires compétitifs pour attirer les travailleurs, les Marocains continueront à chercher de meilleures possibilités à l’étranger.
Oxford Business Groupe