Un mur à abattre Ta’ayush

Redaction

« Terrorisme international », puis « islamistes » et finalement « islam » tout court. Bonjour le raccourci !

Pendant une semaine, je parcours le Belgique avec la déléguée générale de Palestine auprès de l’Union Européenne, Leïla Shahid. Cette tournée est intitulée Ta’ayush, un mot arabe qui signifie » Le vivre ensemble ». Et c’est ensemble, elle palestinienne et moi israélien, que nous approchons la population locale pour plaider en faveur de ce vivre ensemble, ici en Europe, et là-bas, chez nous, au Proche-orient.

Si, à partir de la fin de l’an 2000, ce concept de Ta’ayush s’est imposé comme un terme politique, porté pat un mouvement judéo-arabe du même nom, c’est parce que, à ce moment précis, Ehoud Barak lançait le une campagne de haine raciste d’une rare brutalité contre la minorité arabe d’Israël. Il continue à garder toute sa pertinence quand Ariel Sharon lance, quelques mois plus tard, son attaque sanglante contre la population palestinienne des territoires occupés, offensive connue sous le nom d’Opération Rampart et symbolisée par le massacre de Jénine.

Huit ans plus tars, le Ta’ayush a pris une signification globale, mondialisée. C’est au niveau planétaire que les néo-conservateurs du monde entier, de George Bush à Ehoud Olmert, en passant par Sarkozy et Berlusconi, veulent mettre en place leur système d’apartheid, en séparant, par un nouveau rideau de fer, non plus monde libre et monde communiste, mais civilisés et sauvages. Le mur construit en Palestine est bien plus qu’une réalité locale, c’est une ligne de démarcation planétaire qui sépare la civilisation dite judéo-chrétienne des barbares qui menaceraient cette civilisation, comme le boulevard périphérique sépare les vrais Français de ceux qui sifflent la Marseillaise. A l’origine, ces nouveaux barbares ont été appelés « terrorisme international », pour devenir ensuite « le terrorisme islamiste » et finalement, l’islam tout court.
On a le droit- certains disent le devoir- de critiquer le religion musulmane, dans le cadre d’une critique globale de la pensée, de la pratique religieuse en tant que telle, qu’elle soit catholique, juive, hindouiste ou musulmane.
Siné est de ces mécréants qui ont fait du blasphème une philosophie, et parce qu’il crache indifféremment et d’une manière égalitaire sur toutes les formes de croyance, cette attitude ne peut en aucun cas être taxée de raciste. C’est pourquoi nous avons été nombreux à le défendre quand il fut attaqué pour judéophobie( qu’on appelle également, depuis la fin du XIX ème siècle, antisémitisme). Car le judéophobie, de même que l’islamophobie, n’est pas une critique de la religion juive(ou musulmane), mais des juifs ( et des musulmans) en tant que tels.

Et précisément parce que le mot « juif » représente à la fois une religion et une communauté culturelle, voire dans certains cas nationale, un homme (ou une femme) décente ne saurait être antijuif. Pour une raison similaire, un homme décent ne saurait être islamophobe : de même qu’existent des millions de juifs non croyants, voire aussi athées que Siné, de même il existe des dizaines de millions de non-croyants qui appartiennent à et se revendiquent d’une culture, d’une identité et d’une civilisation musulmanes.

A l’ère de la stratégie néoconservatrice du choc des civilisations, où cette civilisation est devenue l’ennemi globale de ceux qui tentent de recoloniser le monde, prêcher ou tolérer l’islamophobie est profondément réactionnaire.
L’islamophobie du XXIème siècle n’est pas une critique légitime de la religion, mais le drapeau de la croisade contre les nouveaux barbares.
Face à cette stratégie du choc des civilisations, à nous de lever haut le drapeau du Ta’ayush des civilisations.

Michel Warschawski

Source : Siné Hebdo