Cette jeunesse là a grandi en apprenant à manifester de l’agressivité envers ses semblables pour conjurer sa propre peur de l’inconnu…
Ah ! Si jeunesse savait et si vieillesse pouvait, dit l’adage très connu du monde entier. Sauf qu’en Algérie, en sus de cette maxime, notre jeunesse est confrontée à une multitude de problèmes d’ordre psycho-social et affectif qui l’empêche de voir clair dans sa tête et tourne en rond au lieu de voler de ses propres ailes comme cela est le cas ailleurs dans ce même monde que nous partageons tous, certes, mais pas de manière égale, hélas !
J’ai, presque, envie de dire que, quelque part, ceux à qui incombent la responsabilité de leur éducation, les parents au premier chef, les surprotègent au point de les étouffer pour certains faisant d’eux des éternels assistés pendant que d’autres les délaissent totalement. Soit par négligence caractérisée ou non; soit pour des raisons économiques évidentes faisant d’eux des laissés pour compte, livrés à eux même et face à une société qui ne pardonne guère « Ma Terhamch » pour reprendre une vilaine expression bien de chez nous celle-là.
Du coup toute une succession de mésaventures lui tombent sur la tête du jeune algérien. A commencer par l’échec scolaire qui va l’amener à s’initier au « Hitisme » autre expression de notre Fellag national qui traite – avec son humour corrosif qu’on lui connait – ces murs de centres culturels. Et de culture, il y en a point, bien évidemment, aux yeux de l’artiste. C’est plutôt la tchatche habituelle de la rue qui apprend bien des vices et autres calamités à ces jeunes désœuvrés. De la drogue en passant par le vol à la tire, le suicide, autre phénomène qui a pris de l’ampleur…jusqu’à la « Harga », tout y passe. A côté de la responsabilité engagée des parents, le jeune Algérien de 20 ans, est né, si vous faites rapidement vos comptes, en 1989, soit à la veille d’une époque sombre de l’histoire de notre pays que d’aucuns qualifient de noir ou rouge, c’est selon.
En d’autres termes, cette jeunesse là a grandi dans la violence terrifiante, aveugle, et sanguinaire. Cette jeunesse là a grandi en apprenant à se méfier de tout et de rien à la fois. Cette jeunesse là a grandi en apprenant à manifester de l’agressivité envers ses semblables pour conjurer sa propre peur de l’inconnue.
La génération net
Cette jeunesse là ne connait pas ce que c’est d’aller voir un film au cinoche, encore moins lire un ouvrage à même de nourrir son esprit. Sauf, peut-être, à tirer profit d’une aubaine – si on peut vraiment qualifier ainsi la chose – qu’était l’avènement de la parabole et du net. Ah là ! Pour avoir surfé, tchatché, dragué sur le net, ils l’ont fait nos jeunots. Pour avoir vu énormément de films de tous genres – et généralement de violence et de sexe – via la parabole, ils l’ont fait nos jeunots. Autant dire qu’ils se sont fait violence, une nouvelle fois, en consommant sans modération de tas d’images bombardantes tout en assouvissant, il est vrai, leur frustrations de toute nature, de l’amour plus particulièrement qui demeure un sujet tabou qu’on aborde rarement en famille.
Quel gâchis ! Et aujourd’hui ? Ben ! Ils continuent à profiter des autres opportunités que les NTIC leur offrent notamment la téléphonie mobile dont le marché a explosé très rapidement en Algérie et de bien d’autres gadgets qu’il est inutile d’énumérer, ici. Ils sont, de toutes les manières, connus de toutes et tous. Bien sûr ! Une minorité de jeunes a pu acquérir un savoir pluridisciplinaire grâce aux conditions rarement favorables au sein du cocon familial qui se saigne, le plus souvent, pour le bien de ses rejetons. Mais pour la majorité écrasante de nos jeunots, point de connaissances, ne serait-ce qu’élémentaires, de leur pays. Leur référent culturel se résume à la notion de « Houma » ou quartier, au repli sur soi, au rejet de l’autre parce que différent, bref au communautarisme d’un autre âge et qu’on retrouve, du reste, même au sein de la diaspora Algérienne établie un peu partout dans le monde. Quant à voyager puisqu’on y est, autant ne pas y penser au vu des conditions drastiques imposées pour l’octroi des visas.
Qu’il est dur d’avoir 20 ans en Algérie tout comme il l’est, tout autant, pour ceux âgés de 30, 40, 50, et 60 ans…Le développement socio-économique du pays étant ce qu’il est, d’autres problèmes s’amoncellent les uns sur les autres à l’image du logis, ce « luxe » pas à la portée de toutes et tous, le chômage…et le recul net de l’âge du mariage. L’heure est grave car l’ignorance surtout l’ignorance de cette taille là qu’accuse notre jeunesse, d’aujourd’hui, ne va pas sans se répercuter durablement dans le temps si l’on ne prend pas les mesures adéquates à même d’arrêter cette déperdition humaine pour éviter aux futures générations d’en payer le prix fort.
Ne dit-on pas que les mêmes causes produisent les mêmes effets ?
Rabah DOUIK