L’activité intellectuelle ne laisse pas indifférent, pour le moins, et doit être sûrement suivie d’effets sur la place publique grâce notamment au pouvoir de persuasion et/ou d’influence dont dispose réellement son auteur.
L’intellectuel, en voilà un terme désuet, vidé de son sens, et qui a fait rire nous autres Algériens. C’est qu’il a perdu de son aura depuis le temps où notre pays a connu de multiples soubresauts qui ont coûté cher à bon nombre de têtes pensantes. L’hécatombe pour les moins chanceux et la saignée – exil forcé – pour ceux à qui l’opportunité leur a été offerte et saisi au vol, avant, pendant, et après la décennie noir, faudra-t-il sûrement souligner. Cette période sombre de l’histoire de notre pays vidée de sa substance intellectuelle et dont les stigmates sont, encore, perceptible jusqu’à ce jour a du infléchir les survivants sur leurs engagements respectifs vis-à-vis d’une société en rupture de banc avec son intelligentsia. Les « ânetellectuels » dernière trouvaille de notre confère Djamel Alilat demeure l’exemple type d’une chronique qui a fait tâche d’huile au sein de l’agora. Plus sérieusement, et avant d’entamer le virage Algérie, un intellectuel est un « créateur d’idées », un « spectateur engagé », de « quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas », d’un homme de « gauche » au sens éthique de la justice etc. Son rôle social se résume donc à éveiller les consciences et pas nécessairement, comme pourraient le penser certains, à semer la zizanie, bien au contraire. Un citoyen éveillé est, avant tout, un être consciencieusement responsable qui, imprégné du contenu de son choix, agit en conséquence ou non. C’est dire que l’activité intellectuelle ne laisse pas indifférent, pour le moins, et doit être sûrement suivie d’effets sur la place publique grâce notamment au pouvoir de persuasion et/ou d’influence dont dispose réellement son auteur. C’est le cas, au plan universel, de l’historien, philosophe Karl Marx (1818-1883) et de l’écrivain, philosophe également, Jean-Jacques Rousseaux (1712-1778) qui, sans Lénine pour le premier et les révolutionnaires pour le second, ils seraient, sans aucun doute, passés à la trappe de l’histoire. Une histoire analysée et accompagnée d’une participation efficiente au mouvement de luttes des classes pour l’abolition du capitalisme, d’une part. L’impact de la pensée Rousseauiste sur la révolution française fut tel que même son langage et sa manière de penser du genre « Le devoir être » ou encore « Les faits pas le droit » sont repris en chœur par les révolutionnaires de tous bords, d’autre part.
Le vide sidéral
Au plan national, la donne est complexe au vu du contexte à la fois historique, culturel, et sociologique de notre société. La tradition orale séculaire de l’Algérie démontre, d’emblée, que les populations aux origines et mœurs diverses s’adonnent à leur sport favori qu’est la « tchatche » par opposition à la lecture de quelque ouvrage que se soit. Dans un Capharnaüm indescriptible où tout un chacun sait à peu prés tout, tel ce connaisseur autoproclamé sur les questions de l’heure, tente tant bien que mal – et parfois ça va mal – à imposer ses idées propres où plutôt ce que son environnement immédiat lui avait inculqué au lieu d’exprimer, simplement, son opinion si tant est il en a une.
Bien sur, nos intellectuels de tous bords et toute époque confondue, soucieux du vide sidéral ambiant, ont couché sur papier leurs visions personnelles de l’Algérie plurielle dans le but avoué est de contribuer à renouveler les esprits. A insuffler un sang neuf – et de préférence froid – dont nous avons grandement besoin à l’ère de la mondialisation qui balaie tout sur son passage y compris la dimension identitaire d’un peuple dont elle n’en a cure. Et quand on sait toute l’importance que les grandes puissances de ce monde accordent à la culture – une industrie que l’on vous exporte assez bien – on se rend bien compte des inégalités qui prévalent entre eux et nous. Nos intellectuels ont-il réussi dans leur mission d’éveilleurs de nos consciences?
La réponse est à trouver auprès d’un lectorat averti, restreint sans doute. Car, le meilleur support à même de permettre une bonne assimilation, le livre pour ne pas le nommer, demeure le produit le moins prisé des Algériens.
Tenez ! Combien de lecteurs potentiels ont acheté le récent ouvrage de Nouara Hocine et qui a pour titre fort évocateur : « Les Intellectuels Algériens, mythe, mouvance et anamorphose des années de braise aux années de feu » ? Dans cet ouvrage inédit, préfacé par Mahfoudh Keddache, l’auteure confronte l’intellectuel Algérien à lui-même en le situant dans son environnement duquel, il ne peut, bien évidemment pas, s’y soustraire. Mais également par-devant ses pensées comme pour mieux l’inciter à évaluer ses engagements et ses idées potentiellement défendables. Et de faire remarquer, cependant : « Les lettrés algériens du passé et les intellectuels d’hier et d’aujourd’hui ne pouvaient pas et ne peuvent pas se constituer en classe homogène autonome ». Des rappels, des interrogations, de nouvelles pistes appelées à être explorées, il y a là matière à débattre entre intellectuels Algériens.
Et si on parlait Foot ?
Rabah DOUIK