Sous la baguette du chef d’orchestre Daniel Barenboïm, de jeunes musiciens israéliens et arabes ont accordé en Andalousie leurs instruments, à défaut de leurs opinions, pour préparer la tournée du dixième anniversaire du West-Eastern Divan Orchestra.
En 1999, Daniel Barenboïm, né à Buenos Aires en 1942 de parents juifs d’origine russe, et l’Américano-Palestinien Edward Saïd, professeur de littérature comparée, lançaient l’idée d’un orchestre réunissant jeunes arabes et jeunes israéliens afin de les rapprocher via la musique classique.
« Cet orchestre est devenu un mythe en Europe. Il est désormais un moyen alternatif de penser le conflit au Proche-Orient », explique le chef d’orchestre après une répétition avec ses 103 musiciens réunis comme chaque année pendant quelques jours à Pilas, près de Séville (sud).
Cette année, 37 Israéliens et 42 Arabes (Palestiniens, Syriens, Libanais, Jordaniens, Egyptiens) ainsi que deux Turcs, deux Iraniens, et 20 Espagnols participent à la tournée européenne, qui passait mercredi à Madrid.
A la veille du début de la tournée, les esprits s’échauffent: des étincelles jaillissent d’une discussion musclée dans le jardin de la résidence, où de nombreux musiciens décorent un panneau destiné à une exposition à Berlin pour la commémoration de la chute du Mur.
L’un d’entre eux a peint le mur construit par les Israéliens en Cisjordanie. Le Palestinien Ramzi Abou Redwan a ajouté une inscription « le mur de l’apartheid doit tomber », provoquant l’ire d’un Israélien.
Tout de suite, le « maestro », comme l’appellent ses élèves, accourt pour apaiser les esprits. « Il y a toujours des disputes très dures: ce sont des gens qui vivent dans des pays ennemis. Un Syrien et un Israélien, comment vont-ils se mettre d’accord ? », s’interroge Daniel Barenboïm, après avoir tiré sur son cigare.
Pour autant, « notre orchestre n’a pas de ligne politique commune, mais un esprit commun. Nous cherchons à ce que chacun puisse exprimer son opinion librement et que l’autre apprenne à vivre avec ça. C’est très sain », a-t-il ajouté.
Mais pour Ramzi Abou Redwan, né il y a 30 ans dans un camp de réfugiés à Ramallah, « une grande partie des Israéliens ont une tête fermée » et « sont un peu fixés sur leurs idées ».
« Je viens ici pour apporter mon message et dire que ce que fait votre Etat en Palestine ce n’est pas bon », martèle Ramzi en français. Selon lui, le sujet « ne se discute pas suffisamment ».
Plus posé, le violoniste israélien âgé de 30 ans, Asaf Maoz, assure que « le projet du Divan a bien fonctionné » avec lui. « Lorsque j’ai déménagé à Berlin, je l’ai fait avec un autre Israélien et un Egyptien de l’orchestre ».
« On ne se voit pas comme des ennemis. On se voit comme des jeunes musiciens qui veulent apprendre plus les uns des autres. Je suis Israélien et je ne sais rien des Libanais ou des Syriens. On n’est pas toujours d’accord mais on s’écoute », poursuit-il.
Cet orchestre est « la seule façon d’être avec des gens avec qui je partage l’avenir de la région. Malheureusement, dans le monde arabe, il existe peu de contacts entre les pays », explique un violoncelliste libanais de 32 ans, Nassib Ahmadieh, membre de l’orchestre depuis neuf ans.
« Désormais, dans la région, tout dépend de la solution que proposera Obama. C’est la seule chose que je peux dire et c’est déprimant », regrette le maestro.
——————————————————
Photo Des musiciens du West-Eastern Divan Orchestra peignent des messages dénonçant le mur construit par les Israéliens en Cisjordanie, le 4 août 2009 à Séville.