DISPARITION VIOLENTE DE DJAMEL KELFAOUI, LE GRAND FRERE DE BONDY

Redaction

DISPARITION VIOLENTE DE DJAMEL KELFAOUI, LE GRAND FRERE DE BONDY

C’est avec consternation que nous avons appris la disparition de Djamel Kelfaoui, le vendredi 22 mai 2009 à Laghouat, en Algérie. Deux jours plus tôt dans une ruelle de la ville, lui et son cousin ont, d’après des témoins présents sur les lieux, une altercation avec un homme qui
s’avère être un officier de l’armée et qui leur intime l’ordre de reculer pour le laisser passer. Sous prétexte qu’il serait colonel, l’officier s’en est pris brutalement à Djamel au moment où celui-ci s’apprêtait à relever le numéro d’immatriculation du véhicule, et lui porte un violent coup au thorax. Malgré la douleur et la rage qu’on lui connait, Djamel a gardé son sang froid et c’est à la brigade de gendarmerie où il est allé porter plainte qu’il est pris d’un grave malaise consécutif à l’agression subie. Après un pic de tension, il fait une hémorragie cérébrale. Son cousin le transporte aussitôt à l’hôpital de Laghouat où il décède après deux jours de coma profond.

La disparition violente de Djamel Kelfaoui est ressentie comme une immense perte par ses amis encore sous le choc, en France et en Algérie. Nous disons notre indignation, nous voulons que toute la lumière soit faite sur ce qui s’est vraiment passé, et nous réclamons justice. La famille, qui s’est aussitôt rendue sur place, s’est constituée partie civile.
Djamel de Bondy, figure militante de l’action culturelle dans les quartiers populaires

Nous tenons à rendre hommage à Djamel, notre frère et ami. Algérien né à Paris en 1961, il a grandi à Bondy cité de Lattre de Tassigny,. Dès le début des années 80, il mène de front des études de sociologie et de communication à l’université Paris X de Nanterre, et s’investit à fond dans sa ville et son quartier. Il crée l’association SOS ça Bouge et lance le fameux festival culturel Y’a de la Banlieue dans l’air à Bondy, mêlant musique, théâtre, cinéma, sports… et l’organisation de concerts avec des artistes renommés ( Youssou N’dour, Cheb Mami, Mano Negra, Khaled, Zebda…).

Cette expérience lui permet d’exprimer sa grande vocation : transmettre son propre amour de la musique populaire aux siens et aux autres, et provoquer la rencontre des générations et des communautés à travers ces musiques. Djamel Kelfaoui fait partie de ces gens qui ont marqué de leur dynamisme et de leur volonté le paysage culturel de Seine-Saint-Denis et au-delà. il est l’un de ces passionnés prêts à déplacer des montagnes pour réaliser ses rêves.
« Des deux côtés de la mer », une même passion Il était comme ça Djamel ; « perso » et collectif à la fois. Il participe ainsi à l’effervescence politique et culturelle des Marches pour l’égalité, tisse des liens à travers le pays, de Mantes-la-Jolie à Toulouse en passant par Saint-Etienne et ailleurs. La figure de « Djamel de Bondy » marque alors de son charisme les milieux associatifs par son franc-parler, cru, direct, et son refus des compromissions. Il a en lui une grande colère contre la « hagra », l’injustice et les passe-droits. Passionné, il grouille d’idées et de projets, quitte à partir « comme ça », sans autres moyens que la « débrouille ». Après les émeutes d’octobre 1988 à Alger, il va ainsi à la redécouverte du « bled » et de sa jeunesse, avec une démarche de journaliste reporter.
Sur place, Djamel se lie d’amitié avec de nombreux artistes et commence à tourner des images « à compte d’auteur ».

Dix ans après, il finit la réalisation d’Algérie, la Mémoire du raï, devenu un film de référence retraçant l’histoire du pays en musiques. Désormais, il multiplie les projets des « deux côtés de la mer » Méditerranée et tourne ses propres documentaires, faisant entre autres connaître Kamel Al Harrachi, fils de Dahmane, « le grand monsieur du Chaabi ». Il poursuit aussi son travail sur Cheb Hasni, un autre grand du raï, assassiné en 1994. Idole de la jeunesse algérienne dans les années 90, cet artiste continue d’exprimer les aspirations de la société d’aujourd’hui. Dernièrement, nous avons pu découvrir son film « Cheb Hasni, Je vis encore ». C’est pour continuer la deuxième partie de ce portrait que Djamel était reparti tourner en Algérie. Il disparaît en pleine action, laissant une œuvre inachevée.

Les amis de Djamel
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