« Il vaut mieux que l’homme exerce son despotisme sur son compte en banque personnel que sur celui de ses concitoyens » J.M KEYNES
I- ÉVITER D’UTILISER LA MISÈRE HUMAINE A DES FINS POLITIQUES
A l’approche du mois sacré du Ramadhan 2009, ou les personnes aisés doivent sentir eux aussi les souffrances physiques et morales qu’endurent les pauvres à longueur d’année, et qui en principe devrait nous inciter à plus de solidarité- sans calculs- et d’ardeur dans le travail, je lance un appel fraternel à nos responsables et particulièrement au Ministre de la solidarité qui ne doit pas exploiter la misère humaine à des fins de propagandes politiques en utilisant abusivement et à chaque fois le nom du Président de la République. Messieurs de grâce, n’humilier pas ces pauvres gens, ne les faites plus filmer comme par le passé avec indécence, par la télévision publique ENTV , pour les couffins de ramadhan ou ces images aussi indécents au sein de restaurants de gens à l’air hagard . Je connais d’anciens fonctionnaires en retraite, certains enseignants du primaires et du secondaire,des cadres moyens, des journalistes qui ont tout donné à l’Algérie après plus de 30 ans de carrière avec moins de 15.000 dinars par mois ( je ne parlerai pas de ceux qui perçoivent toujours moins de 10.000 dinars par mois ) qui par la force des choses sont contraints. Respectez au moins leur dignité ; ils n’ont plus que cela, d’autant plus que les hydrocarbures à ma connaissance sont la propriété de tout le peuple algérien. Comme le rappelait justement un des plus célèbre économiste du XXème siècle, conseiller financier du gouvernement britannique, et négociateur des Accords de Breeton Woods de 1945, John Maynard, KEYNES, je cite : « certains dirigeants confondent abusivement fonds public avec leurs fonds personnel. S’ils veulent faire oeuvre véritablement de bonne charité, qu’ils le fassent sur leur propre compte bancaire ». Que chacun d’entre nous, et sans publicité fasse un don en ce mois sacré de ramadan selon ses propres moyens.
Certes le SNMG algérien a doublé en passant de 6.000 à 12 000 dinars mais en dépit de cette augmentation, une interrogation s’impose : comment est-ce qu’un Algérien, qui vit au SNMG, fait face aux dépenses contraintes et incontournables (alimentation, transport, santé, éducation) , dégradation du pouvoir d’achat renforcée par la dévaluation cyclique du dinar. En économie de marché concurrentielle, l’Etat régulateur est fort. Or en l’absence de mécanismes de régulation et de contrôle, les prix des produits de large consommation connaissent, comme de coutume, notamment à la veille de chaque mois de Ramadhan, des fêtes religieuses ainsi qu’à l’approche des rentrées sociales, des augmentations sans précédent. Sur la base du panier de la ménagère que maintient inchangé l’Office national des statistiques (ONS) depuis des années alors que le besoin est historiquement daté, l’inflation serait maîtrisée alors que vécu par contre renvoie à une toute autre réalité.
L’écart entre l’inflation perçue par l’Algérien et celle calculée par l’ONS témoigne, outre la difficulté de vérifier la véracité d’une donnée officielle, et du pouvoir d’achat de la majorité sans cesse en détérioration et que voile paradoxalement la crise du logement (même marmite) et des redistributions de revenus fictifs au sein d’une même famille (faire et refaire les trottoirs dans la majorité des APC d’Algérie) pour une paix sociale éphémère grâce à la rente des hydrocarbures. Car, jamais en 2008/2009, la concentration du revenus au profit d’une minorité de couches rentières (le salaire d’un député presque 30 fois le SMIG, plus de quatre fois celui d’un professeur d’université en fin de carrière) et la corruption n’ont été si importante expliquant que certaines mesures gouvernementales d’austérité même louables en ces moments de crise, n’ont pas d’impacts de mobilisation et au contraire un rejet général. Car un chiffre global est de peu d’utilité pour toute politique salariale concrète et n’existe aucune étude sérieuse entre la croissance et la répartition du revenu par couche sociales. Cela doit mettre en relief les dépenses monétaires colossaux (la dépense publique sera clôturée entre 2004/2009 à plus de 200 milliards de dollars US) et les impacts économiques et sociaux. Car, sans un taux de croissance de 6/7% par an sur plus de 5 années, il est impossible à toute Nation, c’est une loi économique universelle, de créer 3 millions d’emplois fiables, et par là d’augmenter à moyen terme le pouvoir d’achat des algériens au risque d’une hyperinflation qui pénaliserait les couches les plus vulnérables). Ce qui m’amène à poser cette question : que sera l’Algérie dans 20 ans.
II- QUE SERA L’ ALGÉRIE DANS 20 ANS : DÉFLAGRATION SOCIALE OU DÉVELOPPEMENT ?
Que sera l’Algérie en 2030, c’est dire demain, avec une population qui approchera 50 millions d’habitants presque sans hydrocarbures ? Quel sera le poids de l’Algérie dans les relations internationales sans les hydrocarbures en ce monde impitoyable ou toute Nation qui n’avance pas recule ? Telle est la question que doit se poser tout dirigeant soucieux des intérêts supérieur du pays ? Et telle a été la question qui m’a été posée par mes étudiants de doctorat angoissés vis à vis de leur avenir : « professeur que sera l’Algérie dans 20 ans et quel sera notre avenir et celui de nos enfants si on a la chance de trouver un emploi digne et de nous marier ? Nous avons beaucoup d’amis qui aussitôt terminés leurs études se retrouvent des harragas? ». J’ai essayé de donner une réponse adéquate face à cette angoisse largement justifiée, et ce par un dialogue fécond contradictoire car il faut dialoguer et toujours dialoguer, le plus grand ignorant celui qui prétend tout savoir. Le dialogue n’est-il pas la vertu des grands dirigeants qui ont marqué positivement leurs pays ?
Nous avons deux scénarios pour l’Algérie et pas trois.
1-Le premier scénario porte sur le statu quo actuel suicidaire pays les autosatisfactions responsables ,vivant d’illusions au sein de bureaux , loin des réalités sociales, étant source de névrose collective . L’age moyen de mes étudiants de étant d’environ 25 ans, ils auront alors 45 ans et entre-temps ils auront pour exigence, comme tout Algérien, un emploi, un logement, se marier et avoir des enfants, et donc une demande sociale croissante.
Pour ceux qui travaillent actuellement (moyenne d’age 35/40 ans) ils auront entre 55/60 ans et seront en retraite. Si un l’on prend l’hypothèse la plus optimiste(le dernier rapport de l’AIE de juillet 2009 donne un pic pour l’Algérie dans 16 ans qui a moins de 2/3% des réserves mondiales d’hydrocarbures avec des exportations croissantes et coûts croissants), des réserves de 25/30 /ans, exploitables financièrement, et tenant compte d’une forte consommation intérieure, il n’ y aura plus de devises provenant des hydrocarbures – comme cela a été le cas récemment pour l’Indonésie mais qui a préparé l’après pétrole. Sans compter nouveau modèle de consommation énergétique qui se mettra en place entre 2015/2020 qui prépare les énergies alternatives qui risquent de raccourcir l’échéance.
Donc suppression du ministère des hydrocarbures et par là celui de la solidarité nationale Le risque est l’implosion de la caisse de retraite, pas d’attrait de l’investissement, chômage croissant, des tensions sociales de plus en plus criardes que l’on essayera de réprimer, une instabilité politique, à l’instar des pays les plus pauvres de l’Afrique subsaharienne et risque d’intervention de puissances étrangères en cas d’instabilité du bassin méditerranéen.
2-Le second scénario se base sur les conditions favorables de développement de l’Algérie qui peut devenir un pays pivot au sein de l’espace euro méditerranéen et arabo-africain, par une gouvernance rénovée se basant sur les principes d’un Etat droit, l’implication de la société, loin des mesures administratives autoritaires, donc des actions démocratiques,corrélativement à la réhabilitation du management stratégique de l’entreprise et des institutions, par une libéralisation maîtrisée grâce au rôle central de l’État régulateur. Pour cela, durant la période 2010/2020, (préparant donc celle de 2020/2030),car en économie le temps ne se rattrape jamais,contrairement à la mentalité culturelle rentière qui prédomine en Algérie, il faut impérativement avoir une vision stratégique: quelle place de l’Algérie dans le monde demain, turbulent et en perpétuel mouvement ? Pour cela, il faut éviter, d’agir bureaucratiquement, l’instabilité juridique, le manque de cohérence et de visibilité dans la politique économique, combattre la corruption qui s’est socialisée en démobilisant toute énergie créatrice, ainsi que la bureaucratie dont la sphère informelle en est le produit reflétant un État de non droit.
Il faut favoriser le dialogue économique et social ,le peuple algérien est un peuple mur, évitant la concentration excessive du revenu national au profit de rentes spéculatives destructrices de richesses, garder une partie de la rente pour les générations futures, mettre en place un nouveau modèle de consommation énergétique reposant sur les énergies renouvelables, et promouvoir des segments en réhabilitant l’entreprise et son fondement le savoir et ce, dans un environnement concurrentiel, loin de tout monopole, seule source de création de richesses permanentes dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux car évoluant au sein d’ une économie mondiale de plus en plus ouverte, donc des allocations ciblées d’investissement, les infrastructures n’étant qu’un moyen.
En conclusion, gouverner étant de prévoir, les défis qui attendent l’Algérie sont immenses du fait de l’important retard accusé dans les réformes se réfugiant dans le court terme par des dépenses monétaires colossaux, sans se préoccuper de la bonne gestion, assurant une paix sociale fictive, dépenses dues non au travail et à l’intelligence mais grâce à cette ressource non renouvelable que sont les hydrocarbures. L’Algérie a déjà 47 années d’indépendance politique. Or 2030, c’est l’Algérie de demain.
Dr Abderrahmane MEBTOUL Economiste ( Algérie)
Professeur d’Université en management stratégique , algerie-focus.com